Quand parler de climat enflamme les esprits

Une nouvelle étude vient d’être réalisée en France sur la désinformation climatique dans les médias. Même si les résultats sont limités à la radio et la télévision française, il est facile de croire que la désinformation climatique dans les médias est la même partout. Étant moi-même communicateur scientifique en matière de changements climatiques, j’ai cru pertinent partager avec vous les conclusions de cette étude.

Les principaux responsables de cette désinformation sont les acteurs liés à l’économie fossile, ceux dont les activités peuvent bénéficier monétairement de cette désinformation, les mouvements d'extrême droite, les membres de sphères complotistes et ceux qui sont hostiles aux politiques de leurs pays ou d’un autre pays. Pour se faire entendre, ils utilisent les médias traditionnels ou les réseaux sociaux. Selon l’étude, 64 % de la désinformation climatique se retrouve dans les médias privés contre 36 % dans les médias publics. Les nouvelles qui traitent du climat ne sont pas si nombreuses. Elles ne constituent que 2 % de toutes les informations offertes au grand public.

Le climat au sommet de la liste

Le changement climatique est un des sujets les plus exposés à la désinformation. En décembre 2024, 13 % de la désinformation en Europe porterait sur le climat. C’est plus que la désinformation liée à l’Ukraine, les questions LGBTQ+ ou même le conflit au Moyen-Orient. L’étude considère que la désinformation climatique est non seulement présente lorsqu’une personne partage une information erronée dans les médias, mais aussi lorsqu’un journaliste omet de remettre les pendules à l’heure lorsque son interlocuteur fait des affirmations qui ne sont pas soutenues par la science.

Selon l’étude les deux principales cibles de ceux qui pratiquent la désinformation climatique sont les énergies renouvelables et les véhicules électriques. Ce constat est inquiétant puisqu’on sait pertinemment que l’on doit décarboner nos sources énergétiques et nos transports. Un rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement établit un lien entre les climatosceptiques, la méfiance envers la science et les divisions politiques dans de nombreux pays.

La politique et la désinformation

On a d’ailleurs remarqué une surreprésentation de la désinformation climatique de 150 % au moment de l’assermentation de Donald Trump, par rapport aux deux semaines précédentes et aux deux suivantes. Une enquête réalisée en Pologne est arrivée à la conclusion que la Russie est très active en matière de désinformation climatique. Celle-ci se retrouve souvent dans les médias qui citent des discours politiques sans mise en contexte.

En trois mois, on a observé 373 cas de décrédibilisation des solutions pour lutter contre la crise environnementale et envers leurs messagers comme les scientifiques, les défenseurs de l'environnement et les journalistes environnementaux. Pourtant, une déclaration de l’ONU souligne le rôle essentiel des journalistes environnementaux et réclame une couverture médiatique accrue sur les changements climatiques, basée sur des faits scientifiques.

On remarque surtout une augmentation de la désinformation climatique durant les périodes d’activité politique accrues comme des élections. Toujours selon l’étude, le déni climatique est associé à une contestation populiste contre les élites et l'establishment politique. Dans les médias français, 61 % des messages de désinformation réfutent les solutions, 24 % mettent en doute la crédibilité du messager et 13 % n'adhèrent pas au consensus scientifique.

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Deux exemples de désinformation cités dans l’étude

Le 21 janvier 2025, un représentant de l’administration Trump est invité sur la chaîne BFM TV où il a dit qu’Al Gore avait mentionné en 2009 qu’il ne resterait plus un gramme de glace sur les calottes glaciaires en 2015. On nous a donc menti et il faut que ça cesse, ajoute-t-il. Tout le monde a droit à son opinion, mais l’étude a retenu cet exemple, car à la suite de cette affirmation le présentateur est passé à la nouvelle suivante sans réagir. Les chercheurs pensent qu’il était de son devoir de mettre cette affirmation en contexte. Nul ne peut passer sous silence le fait que nous observons année après année une diminution marquée des calottes glaciaires et la disparition rapide des glaciers terrestres.

Le 21 février 2025, sur les ondes de la station Radio Classique, un intervenant reconnu comme un climatosceptique notoire a fait trois affirmations qui ne sont pas soutenues par la science : -Le réchauffement climatique est cyclique. -Le niveau des mers monte de 1, 2 ou 3 mm par an. Il faudrait donc des milliers d’années pour que le niveau des océans s'élève de 15 m. -Tout ça serait la faute de l’activité humaine? C’EST FAUX! Durant cette entrevue de 12 minutes, le journaliste a posé neuf questions, mais aucune ne soulignait toutes les connaissances scientifiques qui contredisent ses affirmations. Il n’a jamais contesté les propos de l’intervenant. C’est pour cette raison que l’étude cite également cet événement comme un exemple de désinformation climatique.

Trois actions souhaitables, pour éviter la désinformation, sont inscrites dans l’étude. Augmenter la couverture médiatique des enjeux environnementaux. Offrir une formation plus poussée aux journalistes environnementaux. Procéder davantage à la vérification des faits.